Il y’a quelques semaines, notre Cabinet a été mandaté par le titulaire d’une grande marque enregistrée auprès de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) afin d’établir un rapport d’expertise pour une saisie qu’il a opéré sur un conteneur de produits (contrefaisants) importés et qui se trouvait dans l’un des Ports maritimes du Cameroun.
C’est cette affaire qui a notamment suscité la rédaction de ce nouveau billet.
Et pour cause, en matière de propriété intellectuelle, il existe un mécanisme particulier qui permet d’obtenir la preuve de la contrefaçon par un tiers. C’est ce que l’on appelle la procédure de « saisie-contrefaçon ». Mais avant de s’y attarder, il convient de définir ce qu’est la contrefaçon.
Le terme « contrefaçon » désigne les différentes formes d’atteinte à un droit d’auteur ou à un droit de propriété industrielle (brevets, dessins et modèles industriels, marques, etc.) que pourraient être la reproduction, l’imitation, l’usage, l’apposition ou le remplissage, la vente ou la mise en vente, non autorisé(e) par le détenteur ou le propriétaire du droit.
N.B. : revoir notamment notre article sur les bons réflexes à avoir dans le cas où vous seriez accusé de contrefaçon.
La contrefaçon s’établit par tous moyens (investigations, écrits, documents, publicités, constats dressés sur simple demande et sur la voie publique notamment, etc.) dont par la saisie-contrefaçon.
Pour l’expliquer simplement, si vous soupçonnez l’un de vos concurrents ou un autre acteur sur le marché de porter atteinte à votre marque, vous pouvez établir, via une saisie-contrefaçon, la description détaillée de la contrefaçon alléguée, de ses circonstances et de son étendue avec, éventuellement, l’enlèvement total (saisie réelle) ou partiel (saisie-description) de la marchandise.
La saisie est pratiquée avec l’aide d’un huissier ou d’un officier public ou ministériel (douanier, etc.), assisté le cas échéant d’un Expert en propriété intellectuelle. La saisie peut se faire au siège du contrefacteur présumé, dans ses locaux ou à tout autre endroit où les produits présumés contrefaisants sont offerts à la vente, marqués, livrés ou fournis, y compris à la frontière.
Pour obtenir le droit de procéder à cette saisie-contrefaçon, en l’occurrence par une ordonnance judiciaire, il faut saisir le Président du Tribunal du lieu de l’opération de saisie par une requête unilatérale (ce qui veut dire que le saisi ne sera pas convoqué, et ce pour garantir l’effet de surprise[1]). Il faut justifier à l’appui de sa requête de l’enregistrement de la marque ou de son renouvellement.
Avant l’entrée en vigueur du nouveau code de propriété intellectuelle OAPI, le 1er janvier 2022 pour ce qui concerne les marques, il était exigé de justifier, en plus de l’enregistrement, de la validité de la marque, c’est-à-dire prouver qu’elle n’ait pas été, entre temps, annulée, radiée ou déchue.
Or, cela impliquait des coûts et un temps supplémentaires puisqu’il fallait demander aux services techniques de l’OAPI, moyennant le paiement d’une taxe et d’une procédure de traitement administratif relativement longue (2 à 3 semaines), la fourniture de deux Certificats de non-radiation et de non-déchéance de la marque.
Le retrait de cette exigence est donc salutaire pour rendre la saisie-contrefaçon plus efficace sur les territoires des 17 États membres de l’OAPI.
À la différence de la France, dans l’espace OAPI, il n’est pas nécessaire d’indiquer les indices de la contrefaçon. La simple affirmation du requérant de ce qu’une suspicion sérieuse de contrefaçon existe à l’égard du présumé contrefacteur visé dans la requête suffit, la mesure de la saisie étant ordonnée sous responsabilité et à ses risques et périls.
Attention : si vous voulez faire procéder à une saisie-contrefaçon ou si vous êtes la partie-saisie, il est important de faire appel à un Professionnel (un Conseil en propriété industrielle, un Mandataire agréé) et/ou à un Avocat spécialisé afin de vérifier vos chances de succès, rédiger votre requête, la présenter et la défendre – le cas échéant – devant le juge, ou de se rendre sur place et suivre les opérations de saisie. Et puis, il y aura, normalement, après la saisie une procédure au fond (infra) qui nécessite que les parties soient assistées et représentées.
Lorsqu’il y a lieu à saisie, l’ordonnance peut imposer au requérant un cautionnement qu’il est tenu de consigner avant d’y faire procéder. C’est le cas systématiquement si c’est un étranger qui requiert la saisie. Ce cautionnement doit être suffisant sans être de nature à décourager le recours à la procédure.
Avant l’exécution de l’ordonnance de saisie, l’huissier instrumentaire doit remettre au détenteur des objets à saisir tant copie de ladite ordonnance que celle de l’acte constatant le dépôt de la caution lorsque celle-ci a été ordonnée, sous peine de nullité de la saisie et des dommages-intérêts.
Une fois la saisie-contrefaçon effectuée, que se passe-t-il ? La saisie-contrefaçon comporte une issue obligatoire : l’action en contrefaçon devant un juge civil ou pénal du fond.
En effet, le bénéficiaire de l’ordonnance doit dans les 10 jours qui suivent l’établissement du procès-verbal de saisie, saisir le Tribunal compétent d’une action civile et/ou pénale en contrefaçon, sous peine de nullité de la saisie et éventuellement des dommages-intérêts qui peuvent être réclamés par le saisi. Ceci est fait pour éviter que les saisies-contrefaçons ne soient utilisées pour paralyser abusivement un concurrent.
Pour autant, sous réserve de sa régularité, le procès-verbal pourrait survivre et rester valide dans sa constatation matérielle des faits et ne pas faire obstacle, plus tard, à la condamnation du défendeur pour contrefaçon, dès lors que la matérialité du caractère contrefaisant des produits est établie ou non contestée.
À noter, qu’en principe, une saisie-contrefaçon sur la base d’une ordonnance ne s’effectue qu’une fois.
Conclusion : la saisie-contrefaçon est un outil extrêmement puissant et efficace pour obtenir la preuve de la contrefaçon qui serait commise par un tiers. Il faut néanmoins hésiter à y recourir et, pour cela, vérifier avec un Professionnel si, oui ou non, les conditions pour ce faire sont réunies.
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Team EKEME LYSAGHT
[1] Toutefois, comme toute mesure gracieuse, l’ordonnance de saisie est susceptible de recours. Le saisi peut assigner en référé pour voir rétracter l’ordonnance. La demande de saisie qui était jusqu’alors unilatérale est débattue contradictoirement