
Il n’y a pas si longtemps, nous vous disions que le nom commercial pouvait se révéler être un premier niveau (très) stratégique de protection en matière de propriété industrielle.
Eh bien, une affaire récemment tranchée en France[1] nous donne l’occasion de revenir rapidement dessus et de préciser notamment les conditions dans lesquelles le titulaire d’un nom commercial antérieur pourrait agir en opposition contre l’enregistrement postérieur d’une marque.
Le principe en droit OAPI, c’est qu’un nom commercial antérieur puisse valablement fonder une opposition à l’encontre d’une demande postérieure d’enregistrement de marque, sous réserve néanmoins de l’existence d’un risque de confusion entre le nom commercial et la demande d’enregistrement de la marque en cause.
C’est la même règle de droit qui s’applique en France et il est ici intéressant de voir comment le juge français a pu l’apprécier.
N.B. : L’OAPI a la particularité d’être historiquement très proche de la France, avec laquelle il partage notamment une langue officielle commune (le français), un droit des affaires comparable (dont la propriété intellectuelle), ainsi que des liens de coopérations économique et technique concrets (celle entre l’OAPI et l’Institut français de la propriété industrielle – INPI – en est un parfait exemple).
Comment établir ce risque de confusion ?
1/ Prouver l’usage effectif de son nom commercial dans la vie des affaires, et démontrer que cet usage n’a pas une portée seulement locale
Dans l’affaire qui nous intéresse, le juge français a relevé que le titulaire du nom commercial avait produit de nombreuses factures et bons de commandes à l’attention de divers clients situés dans plusieurs villes de France.
La production de tels éléments a suffi à démontrer que le nom commercial présente une portée nationale, et que son rayonnement atteint un cercle large de destinataires.
En outre, plusieurs éléments ont permis d’établir un usage constant du nom commercial litigieux depuis 2009 : le titulaire du nom commercial a obtenu des récompenses et des prix entre 2009 et 2020, de nombreuses parutions de presse mentionnaient son agence, et des campagnes de communication étaient accessibles à l’ensemble du public français, notamment via les réseaux sociaux.
Dès lors, il a été jugé que le nom commercial en cause faisait bien l’objet d’un usage sérieux de nature à fonder la procédure d’opposition.
2/ Prouver que les services ou produits et les activités économiques en présence sont identiques et/ou similaires, et que les signes comparés présentent de très fortes similarités
Concernant la similitude des signes en cause, elle s’apprécie d’abord sur les éléments distinctifs et dominants des signes en présence :
- Visuelle (sont-ils visuellement identiques ou similaires ?),
- Phonétique (se prononcent-ils de la même manière ?), et
- Conceptuelle (évoquent-ils les mêmes choses ?).
Concernant les services ou produits et les activités en présence, cela s’apprécie globalement selon plusieurs facteurs non hiérarchiques mais interdépendants que sont notamment :
- Leur origine habituelle,
- Leur nature et leur destination,
- Leur complémentarité,
- La concurrence entre eux,
- Les points de vente, ou encore
- Leur public-cible (essentiel pour l’appréciation !) dont le niveau d’attention dépendra de sa connaissance, de son expérience consommateur et de son implication dans l’achat.
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Team EKEME LYSAGHT
[1] Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 2, 7 avril 2023, n° 22/02032, S.A.R.L. Et Nous c/ S.A.S. Services Marketing Diversifiés