Face à la prolifération des sites internet, particulièrement marchands (de e-commerce), nombreuses sont les stratégies et pratiques mises en place par les éditeurs et commerçants de ces sites pour maximiser la visibilité de leurs plateformes, de leurs produits et attirer toujours plus de consommateurs.
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Revoir notamment notre article sur la relation entre noms de domaine et propriété intellectuelle.
Parmi ces stratégies et pratiques, on retrouve celles tout particulièrement liées aux référencements naturel (SEO) et payant (SEA) des contenus qui y sont publiés ou des produits qui y sont mis en vente. Seulement, ces pratiques ne sont pas sans effets sur la propriété intellectuelle.
C’est ce que nous dit une récente décision rendu le 10 Juin 2022 par le Tribunal judiciaire de Paris qui a condamné la société Amazon pour des actes de contrefaçon de la marque CARRE BLANC résultant de ses pratiques de référencement sur sa e-Marketplace.
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Revoir aussi notre billet sur les basics de la marque en droit OAPI
1. La caractérisation d’un référencement contrefaisant – Le Tribunal a relevé que les pages litigieuses de la plateforme Amazon mentionnaient, dans leur adresse URL, leur titre, leur description et les tags associés, les termes « Carré » et « Blanc » en combinaison.Pour autant, le Tribunal précise que l’usage du signe dans les titres, URL et descriptions en cause doit être fait à titre de marque.
1.1 Sur le référencement naturel – Aussi, si Amazon avançait que les termes « Carré » et « Blanc » étaient utilisés dans leur sens générique et usuel, les juges ont estimé que ces adjectifs n’avaient pas lieu d’être pour la majorité des produits concernés, et que rien ne venait « justifier le choix d’une première lettre majuscule pour chacun des termes « Carré » et « Blanc », ni leur présentation immédiatement accolés ».
1.2 Sur le référencement payant – Les juges ont suivi le même raisonnement s’agissant de l’achat des mots-clés « carré » et « blanc », voire d’un mot-clé unique « carré blanc », par Amazon sur les moteurs de recherche, dès lors que ces mots-clés apparaissent en tête des annonces affichées sur les résultats de la recherche.
2. Quid du référencement d’un produit authentique ? – Un argument intéressant était toutefois soulevé par la société Amazon. En effet, elle soutenait, à juste titre, que l’usage à titre de marque, au travers du référencement prétendu contrefaisant, n’était pas pour autant interdit dans la mesure où il s’agissait de promouvoir d’authentiques produits de la marque CARRE BLANC.
Sauf qu’en l’espèce, les procès-verbaux de constat produits par la demanderesse démontraient l’absence de produit authentique sur les pages accessibles de la plateforme – démontrant plutôt l’existence de produits concurrents à sa marque – de nature à tromper les internautes d’attention moyenne.
Le Tribunal judiciaire de Paris en a donc conclu que le recours à la marque de la demanderesse dans le titre, l’URL, et la description des pages litigieuses avait « permis d’accroître le référencement naturel de ces pages dont le trafic induit, en remontant leur apparition dans les résultats de recherche, alors même qu’aucun produit authentique n’y était proposé ».
Or, le fait, pour un distributeur d’annoncer la vente de produits d’une marque, alors qu’il n’en détient pas ou en détient un nombre d’exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle, afin d’attirer cette dernière et lui proposer des produits d’une autre marque, constitue une atteinte grave aux fonctions « de la marque d’appel », dont la fonction essentielle d’indication d’origine qui garantit la provenance du produit.
Le Tribunal en a donc conclut à une pratique de référencements naturel et payant contrefaisants de la marque CARRE BLANC.
Cette décision s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence française devenue constante en la matière, notamment la décision de la Cour d’Appel de Paris, du 19 mars 2014, qui décidait que l’utilisation d’une marque comme méta-tag pouvait être constitutive de contrefaçon quand bien même le signe ne serait pas visible pour l’internaute.
3. Des enseignements à tirer pour le juge OAPI ? – Assurément. Bien que rendue à l’étranger, l’appréciation du juge français est parfaitement transposable à la zone OAPI et peut même inspirer le juge OAPI à l’heure où l’économie du numérique est en train de se mettre en place sur le continent et que la contrefaçon dans son espace cybernétique soulève de nombreux questionnements pour les praticiens que nous sommes.
Il ne pourra donc qu’être conseillé aux e-commerçants et marketplaces africains actuels et futurs de prêter une attention particulière au référencement de leur plateforme et des produits qu’ils proposent à la vente.
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Team EKEME LYSAGHT