En mars 2021, une affaire touchant directement à la propriété intellectuelle a fait beaucoup parler aux États-Unis et au-delà de ses frontières : la vente d’un modèle de « Satan Shoes », par le collectif Miscellaneous Mischief (MSCHF), connue pour ses diverses customisations « artistiques » d’objets.
L’objet, dans le cas d’espèces, était un modèle de basket « Air Max 97 » de Nike.
En association avec le rappeur Lil Nas X, connu pour ses vidéos provocatrices, MSCHF a ajouté à ce célèbre modèle de basket, des signes distinctifs à connotation satanique : un pentagramme sur la languette, les couleurs rouges et noir, une goutte de sang mélangé à l’encre des semelles, l’inscription « Luke 10:18 » ; et bien entendu, cette nouvelle création a été fabriquée en 666 exemplaires.
Et pour la petite histoire, MSCHF n’en était pas à son premier coup d’essai. En effet, en 2019 déjà, il avait créé des « Jesus Shoes », toujours à partir d’un autre modèle de basket Nike, contenant de l’eau du Jourdain et une représentation de Jésus sur sa croix en guise de charm sur les lacets.
Si en 2019, Nike n’avait pas, intenté de poursuites, cette fois-ci la situation était toute autre puisque Nike a réagi très rapidement par voie de communication et par voie judiciaire invoquant notamment des atteintes à sa marque (contrefaçon), à son image et à sa réputation.
Et c’est là que cette affaire devient intéressante. De son coté, MSCHF réplique en soulignant que « ce ne sont pas des chaussures ordinaires, mais plutôt des œuvres d’art en petites séries vendues comme des pièces collectors ». En d’autres termes, elles étaient plutôt une forme d’expression artistique.
Alors, où s’arrête le droit des marques, où commence l’art ? Où la propriété intellectuelle doit-elle céder la place à la liberté d’expression ?
Essayer de répondre à cette question suppose d’abord de se déterminer sur le bien-fondé des invocations de MSCHF : y’a-t-il contrefaçon ? À notre sens de Spécialiste de la propriété intellectuelle, oui !
Le comportement de MSCHF caractérise bien selon nous des faits de contrefaçon portant atteinte aux droits de Nike sur sa marque verbale, sa marque figurative Swoosh (la fameuse virgule), ses droits d’auteur/dessin et modèle sur le modèle Air Max 97, sans oublier l’atteinte ainsi portée à l’image de la société.
Et pour cause, malgré les modifications apportées aux chaussures, le modèle original était reconnaissable et le logo de Nike y était encore bien visible. Il semble d’ailleurs que, suivant le lancement du produit, certaines personnes aient été réellement confuses telles que l’athlète d’arts martiaux mixtes Jon Jones, qui a annoncé à ses abonnés sur Twitter qu’il comptait brûler tous ses souliers Nike.
Un juge fédéral américain a d’ailleurs émis, à titre conservatoire, une ordonnance d’interdiction temporaire d’expédition des chaussures à l’encontre de MSCHF.
Ceci-dit, une œuvre considérée comme d’art peut-elle mettre à mal un droit à la marque ?
Rien n’est moins sûr d’autant que le litige s’est finalement soldé par un accord amiable, MSCHF ayant consenti à retirer ses sneakers du marché et à indemniser Nike du préjudice subi.
Mais, disons qu’un artiste ou qu’une œuvre d’art ne saurait causer un préjudice illégitime à un tiers, détenteur lui-même de droits spécifiques au titre d’une marque, dans le but « apparent » de faire uniquement du profit.
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