Pour la première partie de ce numéro consacré à la propriété et le sport, nous avons décidé de s’intéresser à la manière dont le droit d’auteur s’applique aux manifestations sportives telles qu’un combat de boxe, un match de football, de rugby ou encore de basket.
Souvenez-vous, dans ce billet consacré à « qu’est-ce que la propriété intellectuelle ? », nous vous expliquions que la propriété intellectuelle est partout ; et c’est particulièrement vrai dans le domaine du sport !
Commençons par le commencement c’est-à-dire par le droit d’auteur car oui, selon nous, la propriété intellectuelle c’est d’abord et avant tout des œuvres littéraires et artistiques ; lesquelles peuvent ensuite être protégées par un droit de propriété industrielle tel qu’une marque, un dessin ou modèle industriel, un brevet, etc.
N.B. : Pour vous mieux vous faire comprendre cette dichotomie classique entre droit d’auteur et droit de la propriété industrielle, cliquez ici.
La première question qui nous vient à l’esprit est celle de savoir si une manifestation sportive – telle qu’un combat de boxe, un match de football, de rugby ou encore de basket – peut être protégée par un droit d’auteur ? Auquel cas, les boxeurs ou joueurs en seraient-ils les auteurs ?
Avant d’y répondre directement, il convient de rappeler qu’un droit d’auteur (à la différence d’un droit de propriété industrielle) s’obtient sans formalités particulières ; les seules conditions étant qu’il s’agisse bien-sûr d’une œuvre littéraire ou artistique (qu’il faut comprendre dans un sens très large incluant les logiciels et autres programmes d’ordinateur) et qu’elle soit originale.
Si une manifestation sportive peut être en soi spectaculaire et artistique, son originalité est pour le moins douteuse. Qu’est-ce que l’originalité au sens du droit d’auteur ? Généralement discuté à l’occasion d’un contentieux, le concept de l’originalité varie d’un pays à l’autre. Deux tendances se dégagent néanmoins.
La première, objective, fait de l’originalité quelque chose de nouveau qui n’a pas de précédents ou qui n’a pas, comme on le dit dans notre jargon, d’« antériorités » ; notion très importante et transversale de la propriété intellectuelle qu’on aura l’occasion d’approfondir dans nos prochaines publications.
La seconde, plus subjective et plus largement répandue à travers les pays du monde, fait de l’originalité le résultat d’un choix libre (qui n’est pas exclusivement due à une contrainte, par exemple technique) et créatif (quelque chose qui n’est pas banale).
Or, quel que soit l’approche retenue, une manifestation sportive sera difficilement originale.
En quoi serrait-elle nouvelle ? Difficile à dire. L’exemple d’un match de football est particulièrement parlant sur ce point tant ils se ressemblent tous ; et les combinaisons de jeu sont souvent les mêmes d’un match à l’autre ou d’une équipe de foot à l’autre. Ce n’est en réalité, qu’à l’occasion de rares actions de jeu, que l’on peut y voir quelque chose de nouveau, et encore …
De la même manière, y’a-t-il réellement liberté créative de la part des joueurs ? Là-aussi, difficile à dire mais, il a pu être jugé, pour un match de football, que non, en ce sens que les règles du jeu constituent une trop grande contrainte[1].
Outre ce jugement, on peut aisément s’accorder à dire que ces types de représentations sportives sont fortement imprévisibles ; et c’est ce qui les rend si attractives et si spectaculaires.
Attention tout même, il ne faut pas voir jusque-là des affirmations absolues et irréfragables car certaines prestations sportives peuvent être tout à fait originales ; mais encore faudrait-il régler la question de l’attribution de la qualité d’auteur c’est-à-dire déterminer qui, du sportif ou du personnel d’encadrement (l’entraineur), a fait preuve d’originalité.
On pense notamment aux prestations sportives qui sont liées à des chorégraphies avec un arrangement scénique : patinage artistique, natation synchronisée, gymnastique artistique, rythmique, acrobatique et aérobic, etc.
Mais alors, si une manifestation sportive n’est pas généralement protégée par un droit d’auteur, qu’est ce qui l’est ?
D’abord, le « teaser » et le « film » des manifestations sportives peuvent être protégés par le droit d’auteur en tant qu’œuvres audiovisuelles. Bien entendu, ils doivent être originaux dans le tournage, l’enregistrement, les prises de vue, les ralentis, les musiques, les images, etc.
N.B. : Sur ce point, un détachement doit donc être opéré entre la manifestation sportive elle-même qui n’est pas protégée, et ses teaser et film qui peuvent l’être.
Ensuite, la radiodiffusion des manifestations sportives peut être également protégée par un droit d’auteur plus spécifique que l’on qualifie dans la nomenclature juridique de « droit voisin ».
Ce droit voisin est particulièrement important au sein de l’industrie du sport. En effet, les grands diffuseurs (Canal +, BeinSport, RMC Sport, etc.) paient des sommes considérables pour avoir, non sans mal[2], l’exclusivité de la diffusion en direct (et parfois le replay) de grands événements sportifs attirant des millions de fans : coupe du monde ; ligue des champions ; finale de NBA ; affrontement légendaire entre Floyd Mayweather et Manny Pacquiao ; etc.
On ne peut finir cet article sans une pensée très spéciale à ces créations publicitaires mythiques (pour plus de précisions sur les liens entre la publicité et le droit d’auteur, cliquez ici) sur le sport ; avec pour exemple, la guerre commerciale que se sont menées les marques Nike et Adidas.
Que dire alors de la place de ces marques, en tant que droits de propriété intellectuelle, dans le sport ?
To be continued (…)
Team Ekeme Lysaght
[1] CJUE, 4 octobre 2011, Premier League, Aff. C‑403/08 et C‑429/08
[2] Depuis plusieurs années, le piratage (la contrefaçon) des signaux de radiodiffusion qui permettent de recourir au streaming
Comments (4)
Propriété intellectuelle et sport (2ème partie) : l’affaire du footballeur Lionel Messi – EKEME LYSAGHT SARL
says octobre 20, 2020 at 11 h 06 min[…] de notre dernier article sur le sujet, on s’était penchés sur la manière dont le droit d’auteur s’applique aux […]
Diffusion des matchs du CHAN 2020 et propriété intellectuelle : la CRTV met en demeure ses concurrents – EKEME LYSAGHT SARL
says janvier 19, 2021 at 11 h 51 min[…] ont déjà fait l’objet d’articles spécialement dédiés de la part de nos équipes (notamment ici pour les liens généraux et là pour l’affaire du footballeur MESSI), ce fait d’actualité […]
Diffusion de matchs et propriété intellectuelle : le cas du CHAN 2020 (éclaircissements) – EKEME LYSAGHT SARL
says janvier 22, 2021 at 15 h 03 min[…] a pu s’intéresser à cette question (cliquez ici pour en savoir plus) en retenant qu’il ne peut pas être protégé en tant que tel par un droit […]
Slogan, buzz et propriété intellectuelle : le cas de l’expression « c’est de ça qu’il s’agit ! » – EKEME LYSAGHT SARL
says janvier 24, 2023 at 12 h 16 min[…] L’originalité en matière de droit d’auteur est une notion complexe qui s’apprécie différemment selon le territoire sur lequel on se trouve et selon les cas d’espèces. Tantôt liée à la nouveauté de l’œuvre, tantôt liée à l’empreinte de l’auteur sur l’œuvre, nous dirons que, quel qu’en soit le cas, il y’a pour ce qui concerne la théorie du danger un débat. […]