
Il y’a quelques jours, nous partagions sur notre site une actualité relative à l’affaire opposant la Cameroon Radio Television (CRTV) et quelques médias web à propos de la diffusion et de la retransmission des matchs du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN 2020) qui se tient actuellement au Cameroun.
Pour rappel, la CRTV reprochait à ces médias web le détournement illégal de son signal, invoquant à l’appui la propriété intellectuelle. Nous nous étions ainsi quittés sur les questions de savoir si elle était justifiée à le faire et si cela était bien fondé sur le terrain du droit de la propriété intellectuelle ?
Commençons par le commencement.
Pourquoi parler de propriété intellectuelle en ce qui concerne la diffusion (de matchs) ?
Nous ne cesserons de vous le rappeler dans tous nos articles, la propriété intellectuelle se divise en deux pans que sont : la propriété littéraire et artistique ; et la propriété industrielle (marques, brevets, etc.).
N.B. : Pour plus de détails sur chacun de ces deux domaines, vous pouvez consulter l’un de nos billets en cliquant ici.
Si la propriété littéraire et artistique est vulgairement connue sous l’appellation du « droit d’auteur », en réalité, le droit d’auteur en est juste une sous-catégorie.
En effet, à côté du droit d’auteur il y a les droits voisins qui sont conférés à des personnes, sur des prestations (en terme d’interprétation, de fixation de sons ou images, de programmes) destinées à être diffusées. Il s’agit notamment du :
- droit des artistes-interprètes (chanteur, acteur, danseur, etc.). Ici, quelques observations s’imposent. Les artistes-interprètes sont généralement des exécutants de l’œuvre d’un auteur (parolier, un romancier, un chorégraphe, etc.). La particularité des artistes-interprètes est qu’ils peuvent être amenés, durant leurs exécutions, à faire œuvre de création protégeable par un droit d’auteur distinct. C’est pourquoi certains spécialistes de la propriété intellectuelle ont pu parler de « droit encore plus voisin au droit d’auteur ». On aura l’occasion d’y revenir dans nos prochaines publications… ;
- droit des producteurs de phonogramme, de vidéogramme et des bases de données ; et
- Pour ce qui nous intéresse, du droit des organismes de radiodiffusion (tels que la CRTV).
Alors, pourquoi protéger des producteurs et des entreprises de communication audiovisuelle au même titre qu’un auteur ?
En fait, le législateur (camerounais) a décidé de protéger les efforts de créativité et les investissements consentis pour obtenir un produit final original, en l’occurrence, pour les radiodiffuseur, l’émission simultanée ou en différé des programmes télévisés.
Focus sur les programmes des radiodiffuseurs : le cas de la CRTV
Par « programmes », il faut entendre tout ensemble d’images, de sons ou d’images et de sons, qui est enregistré ou non et qui est incorporé dans des signaux destinés à être distribués[1].
L’émission de ces programmes intéresse tout particulièrement les adeptes du piratage pour leur possibilité d’exploitation parallèle ou très rapprochée via des plateformes audiovisuelles de distribution compétitives.
Et pour cause, elles sont le plus souvent financées par les revenus de la publicité et du parrainage qui se calculent en terme d’audience effective du programme ou, dans le cas de la télévision payante, par les abonnements.
Aussi, l’audience potentielle perdue du fait des offres concurrentes émanant d’un détournement (pirate) du signal d’émission, acte assimilé à de la contrefaçon, fera chuter les revenus des radiodiffuseurs.
En évoquant ces risques réels de piratage, on peut maintenant prendre l’exemple, éloquent, des compétitions sportives comme celle du CHAN 2020.
Le fait de regarder les matchs sur d’autres chaînes ou plates-formes fera chuter l’audimat des radiodiffuseurs légitimes (titulaires et/ou bénéficiaires des droits de diffusion) qui en ressentiront directement les effets sur leurs recettes publicitaires et dérivées.
Partant, dans la mesure où la CRTV a obtenu de l’organisateur, la Confédération Africaine de Football (CAF), les droits exclusifs de diffusion des programmes de matchs de la CHAN 2020 sur l’étendue du territoire camerounais, tel que stipulé dans sa correspondance en date du … on a toute les raisons de croire qu’elle était justifiée à interpeller ces médias web.
Mais, l’interpellation était-elle bien fondée sur le terrain du droit notamment le droit de la propriété intellectuelle ?
La CRTV a :
- Fondé dans un premier temps sa mise en demeure sur le contrat qu’il la lie avec la CAF et notamment l’interdiction qu’il lui est faite de diffuser les matchs par internet Broadband et par technologie mobile
- Fait valoir une violation de ses droits de diffusion au titre des droits voisins (et donc, de la propriété littéraire et artistique) mettant en avant l’utilisation frauduleuse de ses programmes diffusés durant cette compétition ;
- Mis en garde par ailleurs, sur la diffusion des programmes sportifs contenant le logotype CRTV, en vertu de son droit exclusif au titre du droit de marque (et donc, de la propriété industrielle).
Une seule interrogation demeure, et peut-être serait-elle également dans votre esprit : est-ce à dire qu’un match de football est protégé en tant que tel par la propriété intellectuelle, et plus particulièrement, par le droit d’auteur ?
On a pu s’intéresser à cette question (cliquez ici pour en savoir plus) en retenant qu’il ne peut pas être protégé en tant que tel par un droit d’auteur (défaut d’originalité et de liberté créative). Cela étant, sa transmission peut l’être car c’est un programme réalisé de manière originale du fait des prises de vue, des commentaires, ralentis, musiques…
Il va sans dire qu’il y a une panoplie d’éléments distincts composants un match de football qui relève de la propriété intellectuelle. C’est les cas des marques des équipementiers et des annonceurs qui défilent en continu ; les dessins et modèles industriels des maillots et chaussures (en savoir plus sur cet objet en cliquant ici) ; etc.
[1] Selon l’article 1er de la loi camerounaise n°2000/011 relative au droit d’auteur et aux droits voisins
Team EKEME LYSAGHT
Comment (1)
Affaire ZEMMOUR : pourquoi parler de propriété intellectuelle ? – EKEME LYSAGHT SARL
says décembre 14, 2021 at 10 h 44 min[…] Droits de radiodiffusion des chaines de télévision sur la diffusion de leurs émissions et programmes ; […]