La titularité des droits de propriété intellectuelle est un sujet particulièrement important pour les entreprises.
Pour nous-mêmes, praticiens et spécialistes de la propriété intellectuelle, bien avant de se poser la question du contenu de l’originalité d’une œuvre (condition nécessaire à une protection par le droit d’auteur), de la nouveauté d’une invention, de la teneur de telle ou telle prérogative, nous nous assurons toujours de savoir : où est le droit et qui en est le titulaire ?
Par principe, le droit de propriété intellectuelle, quel qu’il soit, appartient toujours à celui qui crée : le créateur (fut-il employé). L’enjeu est donc celui du transfert ou de la rétrocession du droit au profit de l’employeur dans le cadre de l’exécution d’un contrat de travail.
Face à une telle situation, le premier réflexe est celui de déterminer la nature de la création réalisée par l’employé : s’agit-il par exemple d’une invention technique protégeable par un Brevet (1) ou d’une œuvre artistique protégeable par un droit d’auteur (2) ? Selon ces deux cas spécifiques, les règles qui régissent la titularité ne seront pas les mêmes.
L’invention
En l’absence de stipulations contractuelles particulières, l’invention est attribuée selon différents cas.
Lorsque l’invention est réalisée par le salarié en exécution d’un contrat de travail, on parle d’invention de mission. Ici, l’invention appartient, en principe, à l’employeur.
Lorsque l’invention est réalisée en dehors du contrat de travail, mais avec les données et moyens mis à sa disposition par l’employeur, on parle d’invention hors mission attribuable à l’employeur. Dans ce cas, l’employé a seulement droit à une rémunération supplémentaire qui tient compte de l’importance de l’invention brevetée.
Aussi, la seule hypothèse d’une titularité du droit au profit exclusif du salarié serait celle où il est à l’initiative de l’invention, en dehors de son contrat de travail et au moyen de ses propres ressources.
L’oeuvre artistique
L’existence d’un contrat de travail n’est donc pas exclusive en soi de la protection par le droit d’auteur.
C’est cette nuance qui est généralement à l’origine de conflits au plus grand désarroi des entreprises. Pire encore si la création par le salarié est faite librement en conservant ses choix et/ou si elle a fait intervenir plusieurs salariés…
Bien heureusement, chaque cas est appréciable par le juge.
Dans une affaire récente[1] par exemple, un salarié exerçait des fonctions de styliste au sein d’une équipe créative et sous la direction et le contrôle d’une directrice du style à laquelle il était rattaché. Il était établi qu’il avait dessiné le croquis de la basket, sur laquelle il revendiquait des droits d’auteur, en collaboration avec une équipe et sous la supervision de cette directrice qui était en charge notamment de définir et de mettre en œuvre la ligne stylistique pour le prêt-à-porter et les accessoires et, à ce titre, de lui donner une direction dans le cadre d’échanges verbaux et de réunions de travail. L’autonomie créatrice du styliste salarié étant ainsi restreinte, il ne pouvait donc lui être attribué la paternité des dessins qui, au demeurant, n’étaient ni signés, ni datés.
Si cette affaire c’est réglée assez « facilement », ça n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi, afin d’éviter des appréciations fastidieuses et potentiellement risquées pour l’entreprise, nous recommandons toujours de prévoir, dans les contrats de travail, des clauses de propriété intellectuelle précises, spécifiques et adaptées à la situation de chaque employé (périmètre de la mission créatrice, collaboration avec les autres employés, liberté ou non dans les choix, etc.).
[1] Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 5 mars 2021, 19/17254 (D20210011) Michaël A c. Comptoir des cotonniers SAS (Confirmation TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 28 juin 2019, 17/12374)
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Team EKEME LYSAGHT
Comment (1)
Slogan, buzz et propriété intellectuelle : le cas de l’expression « c’est de ça qu’il s’agit ! » – EKEME LYSAGHT SARL
says novembre 08, 2022 at 16 h 13 min[…] intellectuelle étant duelle, ce qu’il faut dire dans un premier temps, c’est que le droit d’auteur protège toutes les œuvres littéraires ou artistiques exprimées sous une forme tangible et sous […]